Gaston Berger, l’inventeur de la prospective

Gaston Berger, l’inventeur de la prospective

“les conséquences de nos actes se produiront dans un monde très différent de celui où nous les avons préparés”

Gaston Berger

 

Gaston Berger, philosophe, dirigeant d’entreprise et haut fonctionnaire, reste dans l’histoire des idées comme l’inventeur de la prospective.

Un jeune dirigeant d’entreprise passionné de philosophie

Gaston Berger est habituellement présenté comme un philosophe. Cet homme peu ordinaire est souvent cité, mais ses œuvres sont difficiles à trouver. Il a pourtant écrit près de 180 livres et articles, dans une vie consacrée à parts égales à la connaissance et à l’action.

Né à Saint-Louis du Sénégal en 1896, il a une enfance matériellement difficile et quitte l’école sans terminer ses études secondaires. Il travaille comme employé dans une huilerie de Marseille, dont il deviendra rapidement le patron. Passionné de philosophie, il reprend à 25 ans des études qui le conduiront à soutenir une thèse sur la phénoménologie d’Husserl, qu’il sera l’un des premiers à introduire en France. Pendant la guerre, il participe activement à la Résistance, et devient, après la libération, professeur à l’université d’Aix-Marseille.

Le père de la prospective

Il est nommé Directeur de l’enseignement supérieur au Ministère de l’éducation nationale en 1953, à un moment où la croissance rapide des effectifs universitaires pose des problèmes qui ont encore des échos aujourd’hui, où une fois de plus les étudiants sont dans la rue. Il fait du bon travail dans ce poste où les problèmes sont comme les têtes de l’hydre de Lerne : dès qu’on en a réglé un, un autre surgit.

Sa boulimie de connaissances n’a d’égale que son goût de l’action. Il refuse de se laisser enfermer dans une spécialité et s’intéresse autant à la musique et à la peinture qu’à la littérature et bien entendu à la gestion, dont il a été un praticien d’une grande compétence. Il a étudié une demi-douzaine de langues dont le chinois, publié un livre sur la caractérologie (une branche de la psychologie) qui fait encore référence, et il aimait le sport.

Ses multiples intérêts vont l’amener à poser les premiers jalons d’une discipline transverse (pour laquelle le Commissaire au Plan Pierre Massé avait trouvé une très belle expression : une « indiscipline intellectuelle »), aujourd’hui classée par l’Université parmi les « sciences de gestion » : la prospective. Réflexion sur le futur, elle part de l’idée que nous construisons le présent en fonction de l’avenir. Il est donc nécessaire, pour prendre des décisions qui auront des effets à long terme, de chercher à comprendre comment l’environnement peut évoluer.

Gaston Berger est considéré comme l’inventeur du mot. Il a créé le Centre d’études prospectives en 1957, ainsi que la revue Prospective, dont le numéro 1, en mai 1958, s’ouvrait sur un texte de présentation intitulé « l’attitude prospective ».

Les grands auteurs en stratégie comme Igor Ansoff ou Henry Mintzberg ont suivi des raisonnements comparables. Mais le Français a posé les bases de la discipline avec une clarté, une lucidité et un pragmatisme qu’il devait à sa formation philosophique, à une culture exceptionnellement large et diverse, et à son passé de dirigeant d’entreprise.

Gaston Berger voulait se consacrer entièrement à la recherche, et venait de quitter son poste pour s’installer dans la chaire de prospective que l‘on avait créée pour lui à la section des sciences sociales de l’Ecole pratique des Hautes Études. Il n’en eut pas le temps ; le 13 novembre 1960, il trouvait la mort dans un accident de voiture.

 

Bibliographie : De la prospective, Textes fondamentaux de la prospective française 1955-1966 : seize textes dont onze de Gaston Berger, trois de Pierre Massé et deux de Jacques de Bourbon-Busset (membre du comité directeur du Centre d’études prospectives), réunis par Philippe Durance, aux éditions L’Harmattan, 2007.